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23|04|14 Cotisation sur commissions secrètes : consécration du principe de sécurité juridique ?

A la suite de la modification législative du 17 juin 2013 et l’adaptation de l’article 219 du CIR/92 (voy. aussi la circulaire Ci. RH. 421/628.803 du 22 juillet 2013), l’application de la cotisation distincte de 309% a été considérablement atténuée et devrait donc relever à présent de l’exception, l’alinéa 5 de l’article 219 du CIR prévoyant en effet que celle-ci ne peut plus être utilisée tant que l’administration fiscale est en mesure d’imposer, à temps, l’avantage de toute nature dans le chez de son bénéficiaire.
Ainsi, lorsqu’un ATN n’a pas été repris sur une fiche et qu’il n’a pas non plus fait l’objet d’une déclaration spontanée, le fisc peut appliquer la cotisation de 309% si le délai de trois ans pour imposer le bénéficiaire est échu.
Il semble cependant qu’en pratique, les contrôleurs continuent à appliquer ladite cotisation, en matière d’impôt des sociétés, lorsqu’il s’agit d’une discussion de principe sur l’existence ou non d’un avantage en nature (ATN) : c’est notamment le cas lorsque, contrairement à l’avis du fisc, le contribuable estime qu’il n’a bénéficié d’aucun ATN et qu’il n’a donc pas à être imposé sur cette base. La position de ces contrôleurs découle vraisemblablement de leur interprétation « personnelle » de la circulaire du 22 juillet 2013.
Si la jurisprudence a confirmé que l’administration fiscale ne pouvait tenir compte d’un ATN à charge d’un contribuable que si ce dernier l’avait lui-même obtenu, le fisc va désormais tenter d’invoquer sa circulaire Ci.RH. 541/621.406 du 5 novembre 2013 selon laquelle, un avantage même indirect suffit pour être pris en compte dans la base de taxation. Parmi ces « avantages indirects », on retrouve l’utilisation d’une voiture de société par le conjoint de son dirigeant…
Ces pratiques administratives qui tendent à sanctionner les « discussions de principe » susvisées ont dès lors fait l’objet d’une récente question parlementaire en date du 25 février 2014 (question orale n° 22312). Aux termes de cette demande, la députée Wouters a donc interpellé le Ministre des Finances sur l’application de ces cotisations spéciales pour commissions secrètes qui ont toujours été la source de nombreuses difficultés et lui a demandé de confirmer que la contestation de principe d’un ATN particulier ne pouvait être sanctionnée par l’établissement d’une cotisation spéciale.
En l’espèce, le Ministre Geens a garanti que dans le cadre d’une contestation de principe sur un ATN, intervenant à un moment où le délai d’imposition de trois ans n’a pas encore expiré, l’administration fiscale devait préférer une imposition du bénéficiaire à l’impôt des personnes physiques plutôt qu’une imposition distincte à l’impôt des sociétés.
Cette réponse ministérielle constitue donc une consécration du principe de sécurité juridique au profit des contribuables à qui il est expressément reconnu à présent le droit de mener jusqu’au bout leur contestation de principe en matière d’ATN sans craindre que l’administration fiscale n’applique, à titre de sanction ou même à titre conservatoire, une cotisation de 309% à l’impôt des sociétés.
Le présent article doit cependant être nuancé à plusieurs égards.
En effet, si les dispositions de la loi du 17 juin 2013, instaurant le cinquième alinéa de l’article 219 du C.I.R. 1992, sont assurément venues tempérer l’application des cotisations distinctes sur commissions secrètes, ces modifications ne sont légalement applicables qu’à partir de l’exercice d’imposition 2014 et n’ont par conséquent aucun effet rétroactif.
D’autre part, en ce qui concerne la circulaire prise le 22 juillet 2013 par la Ministre des Finances (AGFisc n° 30/2013), bien que celle-ci précise que les litiges pendants et les dossiers en cours, même s’ils ont trait à des exercices antérieurs, peuvent être résolus dans l’esprit des nouvelles dispositions légales et on est bien forcé de constater que cette « recommandation administrative » fait obstacle aux dispositions antérieures à la modification législative de 2013, ce qui se révèle finalement illégal .
Enfin, la jurisprudence récente tend à sanctionner la tolérance administrative sur les fameuses cotisations spéciales (voy notamment le jugement du TPI de Liège du 4 septembre 2013 et l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Gand le 8 octobre 2013).
En l’espèce, ces juridictions ont estimé que cette tolérance administrative ne reposait sur aucune base légale.
En effet, même si l’administration acceptait de manière générale que l’on déroge aux dispositions de l’article 219 du C.I.R. 1992 lorsque le contribuable/personne morale et le bénéficiaire des avantages se mettaient d’accord pour que ce ne soit pas la personne morale mais le bénéficiaire des avantages qui soit imposé au tarif ordinaire, les magistrats ont estimé que cela n’était pas inscrit comme tel dans la loi et que les directives administratives ne pouvaient dès lors faire obstacle à une disposition légale explicite, sans que les principes de bonne administration ne puissent y remédier.
En conclusion, si l’on peut assurément se réjouir des modifications législatives de 2013 et des récentes déclarations du Ministre des Finances, sonnant la fin de la récréation pour les contrôleurs systématiquement enclin à faire un usage abusif de l’article 219 CIR/92, la situation est loin d’être tranchée pour les litiges en cours eu égard à la condamnation « malheureuse » par les Cours et Tribunaux des tolérances administratives en la matière.
Aurélien Pirmez