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31|03|14 Fiscalité communale : la Cour de cassation resserre l’étauFiscalité communale : la Cour de cassation resserre l’étauFiscalité communale : la Cour de cassation resserre l’étau

Chacun aura remarqué que la fiscalité locale connaît un essor sans précédent depuis quelques années.

Ce constat s’explique par le fait que, de manière générale, les communes du Royaume sont de moins en moins subsidiées par les Régions.

Des règlements-taxe communaux en tous genres fleurissent à tout va, à tel point que chaque citoyen, chaque entreprise est désormais redevable directement ou indirectement de plusieurs taxes communales.

Citons de manière non exhaustive : les règlements-taxe sur les campings, sur les chevaux et manèges, sur les armes, sur les dancings et club privés, sur le ramassage des déchets et immondices, sur les immeubles abandonnés, sur la force motrice, sur les mâts et pylônes de GSM, sur les golfs, sur les hôtels, sur les mines et carrières, sur les terrains de tennis, sur les piscines, sur les panneaux publicitaires, sur les revues publicitaires « toutes boîtes », sur les résidences secondaires, sur les taxis, sur le stationnement réglementé, sur la délivrance de documents administratifs, …

Cette prolifération est peu réjouissante.

Certaines de ces taxes sont, en outre, très onéreuses.

Il est vrai, cependant, que les communes jouissent du principe d’autonomie communale inscrit aux articles 41 et 162 de la Constitution, qui leur permet de légiférer en toute indépendance au gré des nécessités du moment dans toutes les matières relevant de l’intérêt communal.

Même si le souci d’équilibrer les finances communales relève incontestablement de l’intérêt communal, cette autonomie réglementaire et fiscale n’est toutefois pas sans limite.

Le législateur communal se doit, notamment, de respecter les principes d’égalité et de non-discrimination inscrits aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Il se trouve que le cabinet Forestini a récemment été consulté par une société directement touchée par la taxe communale dite sur « les toutes boîtes ».

Il s’agit d’une taxe qui frappe les distributeurs de revues publicitaires déposées gratuitement et de manière non nominative, au domicile de la plupart des familles du Royaume via leurs boîtes aux lettres comme le nom de la taxe l’indique.

Le cabinet Forestini n’a pas hésité à porter la contestation de sa cliente jusqu’en cassation estimant que cette taxe était discriminatoire.

En effet, bon nombre d’écrits publicitaires, comparables à ceux qui sont taxés, passent à travers les mailles du filet de la taxation, en raison du fait que certains distributeurs, ayant la possibilité de ficher préalablement leurs clients, leur adressent lesdites publicités de manière nominative ou les distribuent délibérément ailleurs qu’au domicile, par exemple en rue ou dans une galerie commerçante.

Les communes, quant à elles, estiment que cette différence de traitement entre distributeurs taxés et distributeurs non-taxés est justifiée quant aux nombres d’écrits distribués, quant aux destinataires des écrits concernés et quant au but poursuivi par leur distribution.

En d’autres termes, les communes estiment que les écrits toutes boîtes sont adressés en trop grand nombre à des personnes qui ne sont que rarement intéressées dans le seul but d’enrichir les annonceurs.

Que dire, cependant, des bottins téléphoniques de type « pages jaunes » qui sont distribués nominativement à la majorité des détenteurs d’une ligne téléphonique ? Que dire également des catalogues « La Redoute » et « Les Trois Suisses » distribués nominativement aux clients préalablement fichés par lesdites enseignes ? Que dire, en définitive, de tous ces écrits publicitaires dont la distribution n’est pas taxée mais qui, pourtant, sont distribués en grand nombre, de manière plus volumineuse que les sept ou huit feuillets d’une revue toutes boîtes, à des gens qui ne sont que peu ou pas intéressés, si ce n’est pour effectuer un battage publicitaire destiné, bien évidemment, à faire vendre les produits ou services des annonceurs concernés.

Les arguments avancés par les communes sont donc peu convaincants.

Par un arrêt prononcé en date du 6 septembre 2013 (commenté dans notre précédente « news » du 10 décembre 2013), la Cour de cassation a coupé court à ces discussions stériles en décidant que la différence de traitement entre les distributeurs taxés et les distributeurs non taxés ne pouvait trouver de justification raisonnable et objective en dehors du règlement-taxe lui-même.

En d’autres termes, cet arrêt prohibe les justifications a posteriori – du type de celles que nous avons énoncées ci-avant – que les avocats des communes tentaient de développer sur le tard pour la première fois devant les juridictions de fond.

Cet arrêt est, donc, plus important qu’il n’y paraît dans la mesure où une écrasante majorité des règlements communaux n’est précisément justifiée que par la formule stéréotypée « vu les finances communales ».

Il s’agit de l’acte un.

Par un second arrêt rendu en date du 28 février 2014, la Cour de cassation s’est, ensuite, ralliée à la position du cabinet Forestini décidant que l’objectif budgétaire général des communes ne permet pas à lui seul de justifier la différence de traitement entre distributeurs taxés et non taxés ;

Il s’agit de l’acte deux mais celui-ci ressemble fort à l’acte final.

En effet, ceux qui auront suivi attentivement notre propos auront compris que les communes qui n’ont pas pris soin de justifier, a priori, dans le préambule de leur règlement-taxe, les différences de traitement existant entre les divers distributeurs d’écrits publicitaires par une autre logorrhée que les « finances communales » – ce qui n’est précisément pas le cas pour l’immense majorité des communes du Royaume – verront de manière irrémédiable leur règlement-taxe déclaré discriminatoire par les Cours et Tribunaux du pays.

Cet aboutissement du cabinet Forestini en matière de taxe sur les « toutes boîtes » permet de remettre en question bien d’autres taxes communales.

En effet, pourquoi la taxe communale sur les immeubles abandonnés ne frappe-t-elle pas les bâtiments abandonnés appartenant aux autorités publiques ? Pourquoi la taxe sur les mâts et pylônes de GSM ne frappe-t-elle pas les antennes radio et télévision ? Pourquoi la taxe sur les golfs ne frappe-t-elle pas également les terrains de football ?

Autant de questions qui mériteraient un test d’égalité et de non-discrimination.

En conclusion, il ressort de ces deux arrêts de cassation que la Cour ne ménage pas le législateur communal qui devra impérativement tirer les enseignements de cette jurisprudence s’il veut que les caisses communales se remplissent comme espéré.

Jean-Philippe Forgeron