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08|10|13 Le refus du droit à la déduction de la TVA en cas de facture incomplète

Le refus du droit à la déduction de la TVA en cas de facture incomplète
L’article 3, § 1er, 1° de l’arrêté royal n° 3 du 10 décembre 1969 relatif aux déductions pour l’application de la TVA subordonne l’exercice du droit à déduction par l’assujetti qui a reçu un bien ou un service à la présence, sur la facture, des mentions prévues par l’article 5, § 1er de l’arrêté royal n° 1 du 29 décembre 1992 relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la TVA, à savoir notamment les éléments nécessaires pour déterminer l’opération, le taux de la taxe due, la dénomination usuelle de biens livrés, des services prestés ainsi que leurs quantité et objet.
Cette disposition de droit belge complète les mentions exigées à l’article 22 de la Directive TVA qui donne, en outre, le pouvoir aux Etats membres de fixer les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture et de prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires en vue d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude.
A l’occasion des deux questions préjudicielles posées par la Cour d’appel de Mons dans le cadre du litige opposant le groupe Martens à l’Etat belge, la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à apporter quelques précisions autour du refus du droit à déduction dans l’hypothèse d’une facture incomplète.
En l’espèce, Petroma Transports SA, principale société du groupe Martens, fournissait des services aux autres sociétés du groupe qui la rémunéraient sur la base des heures prestées par son personnel. En 1997, l’administration fiscale belge a remis en question les factures comportant un montant global, sans indication du prix unitaire et du nombre d’heures prestées par le personnel de Petroma, au motif qu’elles étaient incomplètes et ne permettaient pas d’établir leur correspondance avec des prestations réelles. Elle a dès lors rejeté les déductions opérées par les sociétés du groupe.
Les sociétés ont, par la suite, fourni des informations additionnelles à l’administration. Si, pour certaines factures, le Tribunal de première instance de Mons leur a donné gain de cause, il en a été différemment pour d’autres, le Tribunal confirmant le rejet de la déduction de la TVA dans leur chef.
Le Tribunal, ayant également décidé de rejeter les demandes nouvelles portant sur la restitution de la TVA payée par la société prestataire de services, la cause est arrivée devant la Cour d’appel de Mons qui a décidé de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
La première portait sur le droit d’un Etat membre de refuser la déduction de la TVA aux assujettis preneurs de services détenant des factures lacunaires mais complétées par des informations visant à prouver la réalité, la nature et le montant des opérations facturées.
La seconde visait à savoir si l’Etat membre qui refusait la déduction à l’assujetti preneur de services devait accorder la restitution de la TVA versée par le prestataire de services afin d’assurer le principe de la neutralité de la TVA.

Le 8 mai 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt par lequel elle décide qu’un Etat membre peut refuser, sur la base de sa règlementation nationale, le droit à déduction d’un assujetti preneur de services en cas de facture incomplète, si les informations qui visent à compléter cette facture sont produites après que l’administration ait pris sa décision de refus. Elle confirme ainsi son arrêt Pannon Gép Centrum du 15 juillet 2010 par lequel elle avait jugé que le système commun de la TVA n’interdisant pas de rectifier les factures erronées, le droit à déduction d’un assujetti preneur de services ne peut pas être refusé lorsque l’ensemble des conditions matérielles nécessaires pour pouvoir bénéficier du droit à la déduction de la TVA sont réunies et que l’assujetti a fourni une facture rectifiée avant que l’administration ait adopté sa décision de refus.

La Cour de justice considère également que le refus du droit à restitution de la TVA acquittée par la société prestataire de services ne porte pas atteinte au principe de la neutralité fiscale, alors même que le droit à déduction du preneur desdits services aurait été refusé à cause des irrégularités de la facture. Elle constate que le système commun de la TVA ne subordonne pas l’exigibilité de celle-ci dans le chef du prestataire de services à l’exercice effectif du droit à déduction dans le chef du preneur des services.

Cette jurisprudence appelle des commentaires.
Tout d’abord, en tant qu’elle intervient à propos de prestations effectuées dans un contexte intragroupe, il est peut-être à espérer que l’administration soit moins sévère dans l’hypothèse de prestations ou de livraisons effectuées entre deux opérateurs totalement indépendants et ne fasse pas un usage systématique de l’arrêt que nous examinons.
En effet, beaucoup de mécanismes de notre droit fiscal témoignent de l’esprit méfiant de l’administration fiscale à l’égard des opérations qui peuvent intervenir entre des sociétés du même groupe. Nous pouvons citer à ce propos, notamment, le régime des avantages anormaux ou bénévoles octroyés (article 26 de notre Code des impôts sur les revenus), l’exclusion de la compensation de certaines déductions avec les avantages anormaux ou bénévoles retirés d’une société ou d’une entreprise liée (article 207 du Code), la non déductibilité des dépenses effectuées en faveur de non-résidents qui bénéficient d’un régime fiscal avantageux (article 54 du Code), la fiction prévue en cas de cession de biens mobiliers productifs de revenus à une personne morale soumise au moins à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l’espèce sont soumis en Belgique (article 344, § 2 du Code), etc.
Ensuite, et c’est le point le plus important, la décision rendue par la Cour de justice le 8 mai 2013 attire l’attention des assujettis preneurs de services sur la nécessité d’examiner avec soin les factures qui leur sont délivrées, de manière à fournir rapidement à l’administration les informations dont la présence est requise en vue de l’exercice du droit à la déduction de la TVA. En effet, une fois que celle-ci aura communiqué à l’intéressé la décision par laquelle elle lui refuse l’exercice de son droit à déduction, la production des informations attestant de la réalité des opérations ayant donné lieu à la facture sera vaine.
Enfin, il nous semble que, combinés, le refus du droit à la déduction du preneur de services et celui du droit à la restitution du prestataire au motif que les compléments d’information à la facture interviennent après que la décision de l’administration soit intervenue ne peut plus se justifier au regard de la nécessité d’assurer l’exacte perception de la taxe ou d’éviter de la fraude.

Sandie Marko