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08|04|14 Renonciation tacite, rechtsverwerking et abus de droitRenonciation tacite, rechtsverwerking et abus de droitRenonciation tacite, rechtsverwerking et abus de droit

La Cour d’appel de Gand a rappelé, à l’occasion de son arrêt du 23 avril 2013, qu’il n’y a pas de place pour la théorie de la renonciation tacite en droit fiscal.

La « rechtsverwerking » est la théorie selon laquelle celui qui adopte un comportement inconciliable avec un droit qu’il souhaite revendiquer, se retrouve dans l’impossibilité de s’en prévaloir. On déduit ainsi d’un comportement une renonciation tacite à un droit.

L’administration fiscale a tenté de faire valoir cette théorie dans un litige l’opposant à une contribuable qui revendiquait l’application de l’article 126 du CIR 92. Cette disposition consacre le principe de l’imposition commune pour les cohabitants légaux et les conjoints. Elle précise cependant que l’imposition commune n’est plus applicable à partir de l’année qui suit celle au cours de laquelle une séparation de fait est intervenue, pour autant que cette séparation soit effective durant toute la période imposable.

La dame soutenait être séparée de son mari depuis 1995, et s’opposait ainsi à l’imposition commune établie pour les exercices d’imposition 2005 et 2006. L’administration refusait d’en tenir compte pour les exercices contestés, puisqu’elle n’avait pas été informée précédemment de cette séparation de fait intervenue en 1995.

L’argumentation de l’administration fiscale reposait ainsi sur la rechtsverwerking, en ce que le silence de la contribuable durant plusieurs années était, à son sens, incompatible avec la contestation des impositions établies pour les exercices 2005 et 2006. La Cour d’appel de Gand a cependant refusé d’accueillir cette théorie, en vertu du principe de légalité qui dicte l’interprétation de la loi fiscale. Le comportement qu’a adopté un contribuable ne peut avoir pour effet d’écarter la prescrit de l’article 126 du CIR 92. La loi fiscale est d’ordre public et s’impose tant à l’administration qu’aux contribuables. Il n’y a tout simplement pas de renonciation tacite en droit fiscal.

Vous conservez, dès lors, les droits que vous octroie la loi fiscale, et l’administration ne peut en aucun cas vous opposer une prétendue renonciation tacite.

Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que la rechtsverwerking n’est, d’une manière générale, pas reçue en droit belge. Cette théorie ne se préoccupe pas du tout de la volonté de l’individu. Une personne pourrait en effet, de manière volontaire mais tacite, exposer son intention de renoncer à un droit. La rechtsverwerking se limite à analyser objectivement un comportement, pour en déduire la déchéance d’un droit.

Les tribunaux l’ont appliquée dans les années 80, avant d’être freinés par la Cour de cassation qui confirme, sans ambiguïté, dans un arrêt du 20 février 1992, que la rechtsverwerking ne constitue pas un principe général de droit. Elle explique en effet que la renonciation à un droit ne peut se présumer.

Invoquer l’inaction d’un créancier n’est toutefois pas dénué d’intérêt. Les faits constitutifs de la « rechtsverwerking » peuvent souvent être également analysés à la lumière des théories de l’abus de droit ou d’un manquement à la bonne foi. Le Tribunal pourrait ainsi, s’il juge que le créancier n’a pas agi avec prudence et diligence, réduire les intérêts de retard.

Dans les matières relevant du droit civil, par exemple dans un litige en récupération d’honoraires, exposer le comportement et la durée avec lesquels un créancier a mis en œuvre son droit peut donc s’avérer utile.
À défaut de prescription atteinte, pensez donc à cet argument qui constitue, en quelque sorte, une reconnaissance partielle des effets généralement attachés, par ses défenseurs, à la théorie de la rechtsverwerking.

Marie Delcroix